Ce 23 février 2003 au matin j'étais "bien".
J'avais enfin cru pouvoir me débarrasser de mes tortionnaires-collègues de Vannes en ayant la certitude d'être muté pour Besançon. Et de plus, en "itinérant", c'est à dire que je voyagerais beaucoup, que la partie du boulot que je voulais absolument éviter me serait épargnée, que j'aurais énormément de jours de libre, et .... seul. Qu'enfin je pourrais copieusement arrondir mes fins de mois.
Ainsi nous pourrions habiter une petite maison à quelques minutes du boulot, dans un village qui serait, 9 ans plus tard, desservie par le TGV !!!
Par "chance", mes collèges dont je parlais plus haut avaient l'air de respecter une "trève" dans leur harcèlement continu, vu qu'enfin j'avais demandé à partir.
Côté coeur, je l'avais revue, "elle" au mois de novembre, soit 5 ans après notre arrachement et elle avait l'air d'être d'accord pour une belle histoire d'amitié. C'est tout ce que je demandais... On se téléphonait souvent, et elle avait "recueilli" ma fille durant une semaine aux vacances de Noël car sa mère l'avait proprement jetée dehors !!!
Elle avait même accepté que je lui fasse un cadeau d'anniversaire pour ses 34 ans, ma fille me dira ensuite qu'elle en avait pleuré.
Nous revenions de Besançon où nous avions repéré quelques maisons ou terrains à acheter, et avions fait un crochet pour les Yvelines où nous passerions l'après-midi ensemble.
Nous avions couché à La Verrière, non loin de chez elle, et j'attendais son coup de fil sur mon portable. Nous devions passer l'après-midi ensemble, voire la soirée, et recoucher au même hôtel le soir.
14h, pas de coup de fil.
Ni à 15h...
Je n'ai pas son numéro de portable, mais ma fille l'a. Je lui téléphone donc, et me dit qu'elle va l'appeler.Vers 15h30 effectivement elle rappelle, et m'apprend qu'elle a posé une après-midi de congé et qu'elle nous appelera avant 16h.
A 16h je prends carrément la décision d'aller chez elle, de sonner, mais elle ne répond pas. Sa voiture n'est pas là :(
Je reste stationner plus d'une heure, espérant voir arriver la R5 (super 5, me corrigeait-elle toujours) mais non...
A 16h30, blanc comme un linge, je démarre la voiture. Je ne coucherai pas à l'hôtel (déjà payé) mais plutôt en Bretagne...
Au début, je roule "pépère", car je m'attends encore à un coup de fil.
Je passe Dreux à 17h10. Puis voyant qu'elle ne rappellera plus, j'accélère. Beaucoup de 2 x 2 voies, je contourne Alençon à 18h10. J'atteins Mayenne à 18h40, Laval à 18h50.
Je prends alors l'autoroute. Laval-Rennes (69 km) est avalée en une demie-heure.
2h50 pour faire Versailles-Rennes, mieux que les Rapides d'avant le TGV... Et tout ça en ne dépassant jamais le 50 dans les (rares il est vrai) agglomérations !!
Je ne m'arrête pas et c'est à la "frontière" du Morbihan qu'enfin après plus de 350 km de route que je m'arrête dans un parking. Il fait nuit noire et je suis vidé. C'est mon épouse qui prendra le relais jusqu'à Vannes.
Je compte me coucher sans manger, mais ma fille me dit :
Et si elle t’avait laissé un mail au boulot ?
Encore une chance...
Boulot. Ordinateur. Réception des messages.
Je suis là, le coeur battant.
Message, oui, mais pas d'elle. Un de Jean-Paul le tortionnaire en chef en revanche :« Game is over ». Il me raconte en substance que « les collègues » lui auraient dit que je cassais du sucre sur son dos. Et que la belle période d’embellie se termine. En clair le harcèlement va reprendre de plus belle... jusqu'à ma mutation pour Besançon.
Second mail, de la DRH qui me dit"désolé pour Besançon mais un emploi réservé est passé devant vous..."
Et là, d'un coup, je deviens très calme.
C'est maintenant.
C'est là que mon calvaire va enfin se terminer.. Je vais enfin m'autoriser à me reposer, une chose que je refusais depuis plus de trois ans.
Toujours calme, presque souriant, je sors de mon placard une boîte de Rohypnol.
Je commence par avaler 10 comprimés.
Puis je rentre chez moi, l'air de rien, et vais me coucher, comme si de rien n'était.
Petit passage par la salle de bains, où là je m'enfile une nouvelle dose de 15 pilules magiques.
Puis je me glisse dans mon lit, auprès de ma femme.
Et là, j'attends, calmement.
Calmement au début, puis de moins en moins calmement, constatant que "ça ne venait pas".
D'habitude, 2 de ces petits comprimés m'assomment en un rien de temps, mais là, non !
Lutte féroce entre la partie de moi qui veut en finir, et celle qui ne veut pas mourir.
Alors, au bout d'une petite heure, je finis par me lever. Je titube un peu - quand même - et je retourne dans la salle de bains reprendre une nouvelle dose de 10 comprimés, assortis cette fois d'une demie-bouteille d'après-rasage.
C'est elle qui paradoxalement va me sauver.... Il est des médocs dont l'effet létal est accentué par l'alcool, d'autres où c'est le contraire et le Rohypnol est de ceux-là.
Ensuite ?
Côté boulot s'ensuivra une période où mes collègues seront partagés entre "l'appel au secours" et la vraie TS, que me confirmera mon médecin : "normalement, avec seulement 20 comprimés, vous deviez y rester..." C'est vrai que mon pouls battait à 150 quand il m'a ausculté, la limite à mon âge..
La DRH s'affolera, car étant la principale responsable de mon geste et ouvrira pour moi un poste en surnombre à Biarritz, où je commencerai à me faire une santé.
Puis je réussirai (presque malgré moi) à obtenir un poste d'Itinérant à Lons le Saunier, où mes 4 dernières années seront des années de rêve... j'étais enfin revenu au top !
Côté coeur, là beaucoup moins facile. J'étais décidé à retenter la chose, et cette fois de manière radicale : sous un TGV...
Je ferai une dizaine de "répétitions" sur un passage à niveau bien placé, jusqu'à.... ce que ma fille, en juin, aie l'internet.
J'étais depuis très longtemps abonné au magazine Psychologies, et je lance une bouteille à la mer, en écrivant à Claude Halmos pour lui demander conseil. Hélas cette dame s'intéresse visiblement plus aux gamins qui font pipi dans leur lit à 8 ans qu'à mon pauvre petit cas !
Raté donc...
Mais je vois quand même une page évoquant le site "Psychologies.com". Où là je trouve des forums, dont un "vivre une séparation". J'écris un "post" (je ne connaissais pas l'expression) où je crie mon désarroi, et tout partira de là.
Pompon (c'est le pseudo que je prendrai) évitera la passage à niveau grâce à ce site. Je my ferai beaucoup de connaissances - féminines surtout - et j'arriverai à surmonter le cap difficile des premières années.
Un tournant se produit en 2005/2006.
"Elle" a obtenu une promotion en 2005 et je lui écris mes félicitations par mail (sans plus).
Pas de réponse. Juste un"votre message a été lu".
Puis, je lui fait part de la mort de mon père en 2006.
Mon père qu'elle a toujours adoré. Toujours le même "lu".
Pour la première fois, j'envisage alors la vie sans elle tant je suis déçu. J'arrive même à me "désaveugler" et entr'apercevoir ses défauts. Et finalement, elle en avait presque autant que tout le monde !!
Néanmoins, je ne suis pas guéri de ce qu'une amie appellera ma "Nathalite aigüe"(expression qui faillira me coûter très très cher !) , car je continuerai pendant mal mal de temps à écouter des chansons plus tournées vers la mort qu'autre chose.
L'année 2012 sera déclenchante. Car déjà, pour la première fois en septembre, j'envisagerai de vivre pour mes vieux jours à Morlaix, à 35 km de chez elle.
Et, enfin, je me sentirai "délivré" de cette maladie juste avant Noël...
Entre-temps, une autre maladie aura fait son apparition chez moi : les pics de tension foudroyants !
Mais ça c'est une autre histoire...
Donc, à présent je peux vous dire que je ne regrette pas que cette TS ait été ratée voici pile 10 ans. Je pense - surtout grâce à Internet - que j'ai découvert plus de choses pendant ces 10 ans-là que pendant les 50 qui ont précédé !
Je vous embrasse.